"Massacre à la tronçonneuse" de Tobe Hooper |
Par Argentinos autoconvocados en Bruselas (Association / gauche / Belgique)
Rédigé en Avril 2024
L’Argentine traîne une dette externe avec le FMI, contractée pendant le gouvernement de Macri, de plus de 40 milliards de Dollars.
La politique de Milei a pour but l’équilibre fiscal à tout prix, et pour cela, l’élimination à terme de l’État qui est la « base de tous les maux » d'après lui, en utilisant la « tronçonneuse » comme moyen d’en finir.
Pour la dollarisation de l’économie recherchée par Milei, les réserves de la Banque centrale n’ont pas augmenté tel que Milei l’espérait, cela se présente donc mal, d’après quelques économistes.
L’une des premières mesures du gouvernement a été une dévaluation de 118 %. Les conséquences sont catastrophiques car elles ont des répercussions sur les secteurs les plus vulnérables, touchant la population la plus pauvre et une partie de la classe moyenne. Les augmentations des prix de l’énergie, des produits de première nécessité, de l’alimentation, la santé, les transports etc, coûts qui sont difficilement supportés par la population. Ceci contredit ses propos lors de sa campagne électorale où il prétendait que ce serait « la caste » (les politiciens liés à l’Etat), qui supporterait ce brutal ajustement de l’économie. La vraie « casta », celle qui en tire des bénéfices, est celle des ultra millionnaires des grandes corporations de l’alimentation, des énergies etc, qui fixent les prix tout en exportant les énormes bénéfices.
La pauvreté atteint 11 millions de personnes avec toutes les conséquences, les soupes populaires qui continuent de se multiplier dans la plupart des quartiers des villes, les médicaments assurés par l’Etat qui n’arrivent plus aux malades (la population faisant face en ce moment à une grave épidémie de dengue, les vaccins ne sont pas assurés), les hôpitaux manquent de produits essentiels, etc.
Même le FMI vient de recommander au gouvernement de « s’occuper des secteurs les plus vulnérables » …
Le gouvernement licencie des travailleuses et travailleurs dans la totalité des entreprises publiques, et de la pire des manières : en communiquant par WhatsApp ou twitter, dans la nuit ou en arrivant au travail le matin. « On va « expulser » 70.000 employé.e.s de l’Etat dans les différents ministères » a dit Milei, même s’il y a un mois à peu près, quelque 15.000 travailleuses et travailleurs ont déjà été licenciés, et cela continue.
Les ministères de la Femme et de la Santé ont été annulés, prenant la forme de Secrétariats dans d’autres ministères. Cela constitue une véritable attaque envers les politiques consacrées aux femmes, ainsi qu’envers les acquis gagnés ces dernières décennies grâce à leurs luttes.
Parmi les mesures en vigueur, il y a la fermeture de 11.000 coopératives, qui sont la base de l’économie populaire, la ANSES (qui gère les pensions) réduit de 40% son personnel avec des conséquences désastreuses pour, entre autre, les paiements des pensions, ainsi que le PAMI, l’œuvre sociale des pensionné.e.s.
L’Agence nationale des Handicapés, le Service de Météorologie nationale, l’Agence de Sécurité des voiries, le CONICET (ce qui est un vrai attentat à la recherche scientifique de grande signification en Argentine), l’Institut Géographique national, les Parcs nationaux, l’Administration nationale des Ports, l’Institut national d’Administration publique, l’Administration nationale des Biens de l’État, et beaucoup d’autres, sont sous les coups de la « tronçonneuse ».
L’une des premières affectée fut la brutale intervention envers TELAM, l’Agence des Infos nationale. Cela s’est produit à 3 heures du matin, intimant le personnel à abandonner les locaux et communiquant aux autres d’une fermeture sans délai. Les travailleuses et travailleurs mènent une résistance farouche car, cette Agence ayant été créée par décret, ce n’est qu’au travers d’un autre décret que sa fermeture peut être décidée. Cela se concrétise par une proposition alternative qui place l’Agence sous contrôle du Congrès (le Parlement), proposée par les travailleurs en assemblée permanente.
Cette fermeture signifie la domination des réseaux privés et des réseaux sociaux sur l’information, avec son lot de mauvaises informations. TELAM était une garantie de respect pour les droits à l’information, très étendue et dans tout le pays.
La culture et l'éducation sont également durement touchées par la « tronçonneuse » de Milei.
La Bibliothèque nationale, qui est la base de la mémoire historique de la société argentine, connaît une réduction de plus de 200 travailleurs.
Les Universités nationales sont en train de souffrir de lourdes pertes de leur financements avec des conséquences, entre autres, dans les Hôpitaux universitaires, qui risquent la fermeture. Ces Hôpitaux assurent la santé des plus vulnérables. Dans les locaux universitaires, les coupures de budget sont annoncées, comme par exemple le service de nettoyage de ceux-ci.
L’Institut national du Cinéma et des Arts audiovisuels, INCAA, souffre d’un décret de fermeture de plateformes digitales et télévisuelles, de l’annulation des festivals dont le prestigieux Festival International de Cinéma de Mar del Plata. L’historique cinéma Gaumont sera également bientôt fermé.
Pour le monde du cinéma de projection internationale, il s’agit d’une vraie “déclaration de guerre”.
Le gouvernement a décidé d’arrêter pour 3 mois toute présentation de nouveaux projets, la grande question est …. et après, quoi ?!?
Le cinéma et l’audiovisuel signifient 700.000 emplois directs et indirects, et représentent 5% du PBI.
Le théâtre et la musique sont aussi dans la mire, dans les différentes expressions, car empreintes d’« idéologie », donc la censure est une menace très présente. La libre expression est menacée, ainsi que dans l'Éducation.
Les nombreux acteurs de la culture, dont quelques-uns d’aura internationale, sont mobilisés parmi les premiers, pour s’exprimer, en occupant les rues.
On peut lire dans « Página12 » l’artiste mondialement connue, Martha Argerich, dénoncer le gouvernement qui vient de supprimer un programme de bourses à des jeunes musiciens, appelé “Bourses Martha Argerich”, et qui a déclaré « Si l’État ne soutient pas la culture, le futur des enfants, des jeunes et de toute la population est en grand danger » … Elle-même a, dans sa jeunesse, bénéficié de ce genre de bourse en Argentine.
Le gouvernement Milei s’attaque aux bases du fonctionnement de la DÉMOCRATIE suite à des mécanismes institutionnels à différents niveaux qui tombent en ruine, à l’Etat qui est en perte de crédibilité -dont un important groupe de Juristes qui parle de « rupture institutionnelle »-, la privatisation des ressources stratégiques et des biens sociaux, la politique erratique des Affaires étrangères, l’éventuel abandon de personnes et le négationnisme des crimes de « lèse humanité », entre autres.
Les procès contre les génocidaires du Coup d’Etat de 1976, des procès exemplaires et reconnus dans le monde entier, sont en train d’être suspendus. De 60 procès en cours, ils n’en restent plus que 2. La Direction des Droits de l’homme a été lourdement limitée, tout le personnel ayant été licencié, les Archives du ministère de la Défense sont en train d’être démantelées, ce qui neutralise les charges contre les génocidaires face à la Justice.
Comme le dit Pagina 12, il s’ agit de « la plus grave démolition de l’État dans l’histoire de l’Humanité ».
La société argentine résiste malgré les difficiles conditions d’existence des personnes et organisations sociales à plusieurs niveaux, les différents syndicats, associations, coopératives, dans les quartiers, et même les gens qui, de manière spontanée, sont dans la rue, ou faisant des « cacerolazos » (manifestations souvent spontanées avec des casserole en main).
Il y a eu nombre de manifestations dans la rue, dont 4 moments sont à remarquer, avec cette consigne les ayant traversée toutes : « LA PATRIA NO SE VENDE » (la patrie n’est pas à vendre).
Le 27 décembre dernier, les mouvements sociaux et les syndicats se sont manifestés face aux Tribunaux afin de réclamer la non application des DNU (Décrets de Nécessité et Urgence), utilisés comme outil privilégié du gouvernement Milei.
Le 24 janvier dernier ainsi que le 8 mars, pour la Journée internationale de la Femme, a eu lieu une grève générale dans tout le pays, avec d’énormes manifestations, tant en Argentine qu'à l’étranger. Les effets de la dévaluation commencent à se faire sentir.
Les organisations des Droits de l’homme ont mis sur pied une manifestation, le 24 mars dernier, à l’occasion du 48ème anniversaire du Coup d’État, sous la consigne « MEMORIA, VERDAD y JUSTICIA » (mémoire, vérité et justice). Ce fut la plus grande manifestation de ces dernières années.
Dans toutes ces expressions du peuple, beaucoup de jeunes ont participé, très motivés par la compréhension de ce qui s’était passé il y a 48 ans, ainsi qu’en réagissant face aux réalités actuelles sous ce gouvernement Milei et sa Vice-présidente, Victoria Villaruel : cette dame est une négationniste de la Dictature militaire, qui défend les militaires coupables de violations des Droits de l’homme.
Nos aînés étaient habités par des sentiments de mémoire et de justice, ainsi que de stupéfaction face à l’actualité, du « déjà vu » quant à la Dictature civico-militaire de 1976-1985.
Ils et elles espèrent tous des gestes de solidarité internationale, et cherchent à faire connaître au monde ce à quoi peut ressembler une société dont l’extrême- droite fonce contre des principes de connivence sociale, de respect de l’humain, de l’Institutionnel et de la Démocratie bâtis tout au long de décennies et de siècles …
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