Par Peter Van Den Broucke (Lieutenant-colonel à la retraite, droite, Belgique) et Steven Arrazola de Oñate (Ancien commandant de l’armée de l’air, droite, Belgique)
Publié le 16 mars 2024 par La libre
Des anciens combattants s’expriment : un appel à la paix*
"Les hommes politiques ont le devoir moral d’écouter les anciens combattants, car ils n’ont souvent aucune idée de ce que signifie réellement la guerre."
Des déclarations telles que "nous devons continuer à soutenir l’Ukraine” par les dirigeants européens à la possibilité d’envoyer des troupes de l’Otan en Ukraine par le président Macron, en passant par la préparation d’une éventuelle guerre par l’Allemagne et le Royaume-Uni, le langage de la guerre semble plus menaçant de jour en jour. Ce n’est pas seulement dangereux, c’est aussi inédit en Europe. Pourquoi ? Parce que l’Ukraine n’est pas membre de l’Otan et n’est donc pas couverte par l’article V de l’accord de légitime défense collective. L’Ukraine n’est pas non plus membre de l’UE.
La volonté de faire la guerre soulève la question de savoir si nous avons vraiment appris quelque chose du passé. Qu’est-ce qui pousse les hommes politiques à poursuivre la guerre et les conflits un peu partout dans le monde, même lorsque les tentatives précédentes ont échoué ? Ce fil de l’histoire semble se poursuivre sans relâche, malgré les nombreux clichés de “Plus jamais la guerre” et les nombreux mémoriaux disséminés dans tout le pays. Des fleurs sont déposées et des médailles sont décernées, après quoi les dirigeants retournent rapidement aux affaires courantes, tandis que les anciens combattants, affectés par les expériences de guerre, sont souvent les seuls à connaître la profonde tristesse humaine que dégage une statue.
Nous, les anciens combattants, portons dans nos mémoires le pouvoir destructeur de la guerre. C’est pourquoi nous avons le droit et le devoir de nous exprimer. Les hommes politiques ont le devoir moral d’écouter les anciens combattants, car ils n’ont souvent aucune idée de ce que signifie réellement la guerre. Ils n’ont jamais envoyé leurs propres fils ou filles dans une zone de guerre et ne le feront probablement jamais. Car, croyez-nous, on n’oublie jamais cette expérience.
Nous avons vu et vécu la souffrance
Les conséquences de ces expériences sont toujours destructrices, comme en témoignent les nombreux problèmes que rencontrent les soldats pour se réinsérer dans la société, les blessures physiques et émotionnelles qu’ils portent pour le reste de leur vie et même les cas tragiques de suicide.
Nous avons vu et vécu la souffrance. Nous avons aidé à charger dans les avions les cercueils des soldats tombés au combat pour les renvoyer chez eux. Depuis votre siège, vous ne pourrez jamais vous faire une idée précise de la réalité et de la vérité. Pour cela, il faut se trouver au milieu, avec ses bottines, regarder les gens dans les yeux et laisser les odeurs et les couleurs s’infiltrer.
Les analystes et les professeurs qui présentent leurs commentaires à la télévision n’ont souvent aucune expérience personnelle dans la zone de conflit et ont rarement regardé la population locale dans les yeux pour comprendre la situation réelle.
Aucune guerre n’a jamais offert de solution durable. Des Première et Seconde Guerres mondiales aux conflits de Corée, du Vietnam, de Libye, d’Irak, de Somalie, d’Afghanistan, de Syrie, et aujourd’hui d’Ukraine et de Gaza, les fils des nations sont sans cesse envoyés sur le terrain. Les soldats sont confrontés à de dures réalités dans les pays où ils doivent combattre ou apporter la paix. Ils sont prêts à risquer leur vie pour le bien de l’humanité et l’espoir d’un monde meilleur. Cependant, le prix à payer est lourd. Et cela vaut aussi pour leurs familles et leurs amis.
Un appel urgent
La Libye, l’Irak, la Syrie et l’Afghanistan sont aujourd’hui des zones de conflit oubliées. Des bombardements intensifs et des combats violents y ont eu lieu et de nombreux soldats et civils y ont perdu la vie. Les dirigeants internationaux ont décidé de retirer leurs troupes sans plan clair d’aide et de reconstruction. La population laissée sur place a été abandonnée, avec toutes les conséquences que cela implique. Aujourd’hui, nous voyons la même chose se produire en Ukraine et dans la région de Gaza.
Nous nous adressons donc directement à nos dirigeants politiques en leur lançant un appel urgent : arrêtez la rhétorique de guerre !
Soyez de vrais leaders et réalisez que :
– La guerre n’a jamais offert de véritable solution, comme le passé l’a si douloureusement démontré. Des centaines de milliers de personnes ont déjà été tuées en Ukraine, tandis que des dizaines de milliers sont à déplorer à Gaza. Combien de vies supplémentaires devront être sacrifiées avant que vous compreniez ?
– Les véritables victimes ne sont pas seulement les soldats bravant les lignes de front, mais aussi leurs familles, laissées sur place dans l’inquiétante incertitude quant à leur sort. La souffrance qui leur est infligée repose sur vos épaules.
– La diplomatie est toujours la seule voie vers une paix durable.
Après dix ans de conflit en Ukraine, il est grand temps que les dirigeants occidentaux aient le courage d’entamer des discussions avec le président Poutine. Après tout, même après ce conflit difficile, nous restons des voisins et des partenaires commerciaux. De même, nous appelons à une action contre la violence déclenchée par le Premier ministre israélien Netanyahou à Gaza, qui s’apparente de plus en plus à un génocide. Bien entendu, la violence et les actions extrêmes du Hamas doivent également être fermement condamnées.
C’est ce que nous, anciens combattants, vous demandons. Le seul moyen de parvenir à la paix est de s’asseoir autour d’une table et de discuter. C’est aussi ce que la majorité de votre peuple attend de vous. Les gens ne souhaitent pas la guerre et les conflits, mais de paix et d’harmonie.
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Notes:
Les auteurs sont vétérans de la guerre d'Afghanistan.
Titre original : "Les anciens combattants s’expriment : un appel à la paix"
Publication originale sur La Libre
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