"Christmas at the White-House" by Erró |
Par The Socialist Correspondent (Auteur(s?) / gauche / UK)
Publié le 13 novembre 2023 par The Socialist Correspondent - Traduction de Simon K., revue par activista.be
Titre original : "The US-NATO drive to war"
La défaite de l’Union soviétique il y a plus de 30 ans a levé le principal frein à la liberté de manœuvre impérialiste – et les États-Unis n’ont pas perdu de temps pour profiter pleinement de cette opportunité, agissant en toute impunité pour renforcer et étendre leur domination militaire, économique et politique. Le monde unipolaire est devenu un endroit beaucoup plus dangereux pour des millions de personnes qui en ont subi les conséquences mortelles.
Aujourd’hui, après des décennies de destruction et de déstabilisation en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Somalie, au Pakistan, en Ukraine et dans des dizaines d’autres pays, les États-Unis se retrouvent confrontés à deux obstacles qu’ils perçoivent comme de graves menaces pour leur position : la Chine et la Russie qui ont mis un terme à la marche de l’OTAN vers l’est. Ces défis exercent une pression sur des États-Unis de plus en plus imprudents, alors qu’ils tentent de conserver leur domination mondiale et qu’ils sont confrontés à une crise de légitimité intérieure.
Le mois dernier, Biden a qualifié ce moment de « point d’inflexion » dans la bataille entre « démocratie » et « autocratie », en demandant 105 milliards de dollars supplémentaires au Congrès pour ajouter au budget d’armement de mille milliards de dollars pour l’année. L’argent neuf est destiné à financer des guerres simultanées contre la Russie et la Palestine – ainsi que des milliards pour que Taïwan se prépare à une guerre contre la Chine.
Avec un complexe militaro-industriel dominant qui fait pression en faveur d’un conflit perpétuel et une économie financiarisée affaiblie, les États-Unis ne connaissent la guerre que comme moyen de maintenir leur suprématie et n’a pas de stratégie à long terme pour arrêter son déclin. Comme nous pouvons le constater au Moyen-Orient, ils préfèrent risquer une destruction catastrophique, allant même jusqu’à déclencher une Troisième Guerre mondiale, plutôt que d’accepter et de s’adapter pacifiquement à la réalité. La question à laquelle nous sommes confrontés est la suivante : une escalade continue vers une guerre mondiale est-elle désormais inévitable ?
La guerre d’Ukraine
La guerre en Ukraine marque le début d’une guerre étasunienne plus ample contre ses deux principaux rivaux. De son point de vue, le pays a déjà réalisé plusieurs gains stratégiques.
Après avoir orchestré un coup d’État anti-russe en 2014 et, depuis lors, des bombardements continus sur le Donbass, tuant plus de 13 000 personnes, les États-Unis ont réussi à inciter la Russie à lancer une opération préventive pour tenter d’empêcher l’armement nucléaire à sa porte. Vingt mois après le début de la guerre, des faucons de premier plan comme David Ignatius du Washington Post se vantent que « cet été a été triomphal pour l’alliance » (1), alors que les États-Unis intensifient leurs efforts pour affaiblir la Russie, destituer Poutine et démembrer le pays.
Non seulement la guerre a permis de réaliser « l’aubaine stratégique » de l’expansion de l’OTAN, comme l’appelle David Ignatius. OTAN dont Macron diagnostiquait il y a seulement 4 ans l’état de « mort cérébrale », mais aussi le retour de l’Allemagne sous le contrôle des EU. La destruction du gazoduc Nordstream et les sanctions imposées par les EU contre la Russie ont mis fin à l’alignement économique et diplomatique croissant de l’Allemagne vers l’Est (2). Les entreprises allemandes espèrent toujours pouvoir maintenir des échanges commerciaux rentables avec la Chine mais seulement dans la mesure où cela n’entre pas en conflit avec les restrictions imposées par les États-Unis.
En conséquence, au premier trimestre 2023, l’Allemagne, la plus grande économie de la zone euro, est entrée en récession. L’affaiblissement de la principale économie nuit également au reste de l’UE. Il y a quinze ans, l’économie de l’UE était légèrement plus importante que celle des États-Unis. Aujourd’hui, l’économie étasunienne est d'un tiers plus importante que celle de l’UE et de la Grande-Bretagne réunies. C’est en partie le résultat des politiques d’austérité de l’UE après le krach de 2008 mais cela a été considérablement accéléré par le découplage de la Russie exigé par les États-Unis. L’année et demie qui vient de s’écouler fut marquée par un processus de « cannibalisation économique intra-occidentale », selon l’expression de l’écrivain Thomas Fazi. (3)
La guerre a également permis d’accomplir ce que les présidents précédents n’ont pas réussi à faire : forcer l’Europe à apporter une plus grande contribution à l’OTAN – rappelez-vous que Trump a qualifié les puissances européennes de « mauvais payeurs » parce qu’elles s’appuient sur la « protection » américaine ? (4) Les gouvernements européens ont tous succombé et ont utilisé la prétendue menace russe pour justifier auprès de leurs populations le détournement de l’argent des salaires et de l’aide sociale vers l’armement.
Le chancelier Scholz a annoncé 100 milliards d’euros pour le réarmement afin de faire de l’Allemagne « le garant de la sécurité européenne », c’est-à-dire remplacer la France en tant que première puissance militaire continentale au sein de l’OTAN.
La France, principal rival de l’Allemagne, a entre-temps annoncé sa propre augmentation de ses dépenses d’armement, la plus importante depuis 50 ans, atteignant 413 milliards d’euros d’ici 2030, ce qui éclipse le budget d’armement de l’Allemagne. (5) Cela montre clairement que la France n’acceptera pas la supériorité militaire allemande.
La Pologne utilise également la guerre pour s’affirmer, doublant ses dépenses de défense pour créer la plus grande armée terrestre d’Europe.
En opposant la « nouvelle » Europe de l’Est à la « vieille » Allemagne et la France, et en attisant la rivalité franco-allemande, on renforce la domination des EU. Toute idée d’une force militaire européenne agissant comme un contrepoids autonome aux États-Unis – qui était l’ambition de longue date de la France depuis De Gaulle – a été anéantie par « la subordination du projet européen aux objectifs de l’OTAN ».
Et pourtant, malgré ces succès incontestables, la contre-offensive ukrainienne tant vantée, menée avec les armes et les conseils occidentaux, a échoué. La Crimée reste russe, laissant la marine russe de la mer Noire en mesure de protéger les flancs sud de la Russie. Et les sanctions occidentales n’ont pas réussi à écraser l’économie russe.
Pourtant, les États-Unis ont sans doute des raisons d’être satisfaits de ce qu’ils ont accompli jusqu’à présent. Après tout, la Russie est entravée et l’Europe se conforme et contribue au renforcement de l’OTAN. Ce sont les conditions nécessaires pour qu’un conflit plus important éclate, contre la Chine, selon le général Fabio Mini, ancien chef du commandement de l’OTAN pour l’Europe du Sud. (7)
Guerre contre la Chine
À un moment donné, les États-Unis devront mener une guerre contre la Chine s’ils veulent rester au pouvoir. Elbridge Colby, qui était secrétaire adjoint à la Défense de Trump, l’exprime ainsi : « Les États-Unis doivent... rester l’État le plus puissant à tous égards, partout. La force physique, en particulier la capacité de tuer, est la forme ultime de levier coercitif... La Chine est une menace parce qu’elle est sur une trajectoire où les États-Unis ne constituent peut-être pas une menace pour elle. Les États-Unis devraient conserver la capacité de tuer la Chine... ».
La leçon du général grec Thucydide tirée de la guerre du Péloponnèse est qu’une grande puissance confrontée à un rival émergent doit frapper en premier si elle peut gagner avec un certain degré de certitude. La Chine est encore un pays en développement, d’où les appels croissants aux États-Unis à frapper le plus tôt possible, tant qu’il y a une chance. Un général de l’US Air Force a récemment prédit que la guerre éclaterait d’ici deux ans. (9)
Pourtant, apparemment, les simulations et "war-games" du Pentagone suggèrent qu’il n'est pas possible de gagner contre la Chine. Ainsi, au place d’une attaque immédiate, les États-Unis augmentent la pression sur la Chine afin de l’affaiblir d’abord, selon le correspondant de guerre Elijah Magnier. Sur le plan économique, cela oblige la Chine à se lancer dans une course aux armements afin de réduire les investissements nationaux – la stratégie qui a contribué à vaincre l’URSS – tandis que les sanctions économiques visent également à entraver la modernisation de la Chine et à abaisser le niveau de vie. Pendant ce temps, il attise les revendications sécessionnistes des Ouïghours, de Hong Kong et de Taiwan, afin de déstabiliser la Chine à l’intérieur. Sur le plan extérieur, elle est en train de forger une alliance asiatique prête au combat pour encercler la Chine et a déplacé l’essentiel de sa propre marine vers la région Asie-Pacifique.
Cette accumulation externe progresse rapidement. Le Japon, principal allié des États-Unis, double ses dépenses militaires pour devenir le troisième pays dépensier en armement après les États-Unis et la Chine. Pour le moment, c’est le neuvième. L’historienne Rana Mitter affirme que le Japon est en train de passer d’un « géant économique semi-désarmé, une sorte d’Allemagne asiatique » à un acteur armé majeur, prêt à affronter la Chine. (10) Le Japon a également, comme l’Allemagne, subi des pressions pour abandonner ses relations cordiales avec la Russie – Poutine s’était rendu au Japon en 2016 – pour condamner la Russie et envoyer des armes à l’Ukraine.
Pendant ce temps, la Corée du Sud, qui accueille déjà 30 000 soldats américains, y déploiera périodiquement des sous-marins nucléaires américains, et l’Australie achète trois sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre de l’alliance AUKUS avec les États-Unis et le Royaume-Uni, devenant ainsi un acteur nucléaire de facto et se soumettant au contrôle militaire américain à un degré sans précédent.
Ensuite il y a Taïwan, dont les États-Unis arment et entraînent l’armée pour créer une base solide à partir de laquelle attaquer le continent. Les provocations de plus en plus effrontées des marines américaine et britannique dans le détroit de Taiwan visent à montrer avec quelle facilité elles pourraient étouffer les importations et les exportations de la Chine, y compris ses approvisionnements vitaux en carburant, dont la plupart passent par les détroits étroits.
Aujourd’hui, après des décennies de destruction et de déstabilisation en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Somalie, au Pakistan, en Ukraine et dans des dizaines d’autres pays, les États-Unis se retrouvent confrontés à deux obstacles qu’ils perçoivent comme de graves menaces pour leur position : la Chine et la Russie qui ont mis un terme à la marche de l’OTAN vers l’est. Ces défis exercent une pression sur des États-Unis de plus en plus imprudents, alors qu’ils tentent de conserver leur domination mondiale et qu’ils sont confrontés à une crise de légitimité intérieure.
Le mois dernier, Biden a qualifié ce moment de « point d’inflexion » dans la bataille entre « démocratie » et « autocratie », en demandant 105 milliards de dollars supplémentaires au Congrès pour ajouter au budget d’armement de mille milliards de dollars pour l’année. L’argent neuf est destiné à financer des guerres simultanées contre la Russie et la Palestine – ainsi que des milliards pour que Taïwan se prépare à une guerre contre la Chine.
Avec un complexe militaro-industriel dominant qui fait pression en faveur d’un conflit perpétuel et une économie financiarisée affaiblie, les États-Unis ne connaissent la guerre que comme moyen de maintenir leur suprématie et n’a pas de stratégie à long terme pour arrêter son déclin. Comme nous pouvons le constater au Moyen-Orient, ils préfèrent risquer une destruction catastrophique, allant même jusqu’à déclencher une Troisième Guerre mondiale, plutôt que d’accepter et de s’adapter pacifiquement à la réalité. La question à laquelle nous sommes confrontés est la suivante : une escalade continue vers une guerre mondiale est-elle désormais inévitable ?
La guerre d’Ukraine
La guerre en Ukraine marque le début d’une guerre étasunienne plus ample contre ses deux principaux rivaux. De son point de vue, le pays a déjà réalisé plusieurs gains stratégiques.
Après avoir orchestré un coup d’État anti-russe en 2014 et, depuis lors, des bombardements continus sur le Donbass, tuant plus de 13 000 personnes, les États-Unis ont réussi à inciter la Russie à lancer une opération préventive pour tenter d’empêcher l’armement nucléaire à sa porte. Vingt mois après le début de la guerre, des faucons de premier plan comme David Ignatius du Washington Post se vantent que « cet été a été triomphal pour l’alliance » (1), alors que les États-Unis intensifient leurs efforts pour affaiblir la Russie, destituer Poutine et démembrer le pays.
Non seulement la guerre a permis de réaliser « l’aubaine stratégique » de l’expansion de l’OTAN, comme l’appelle David Ignatius. OTAN dont Macron diagnostiquait il y a seulement 4 ans l’état de « mort cérébrale », mais aussi le retour de l’Allemagne sous le contrôle des EU. La destruction du gazoduc Nordstream et les sanctions imposées par les EU contre la Russie ont mis fin à l’alignement économique et diplomatique croissant de l’Allemagne vers l’Est (2). Les entreprises allemandes espèrent toujours pouvoir maintenir des échanges commerciaux rentables avec la Chine mais seulement dans la mesure où cela n’entre pas en conflit avec les restrictions imposées par les États-Unis.
En conséquence, au premier trimestre 2023, l’Allemagne, la plus grande économie de la zone euro, est entrée en récession. L’affaiblissement de la principale économie nuit également au reste de l’UE. Il y a quinze ans, l’économie de l’UE était légèrement plus importante que celle des États-Unis. Aujourd’hui, l’économie étasunienne est d'un tiers plus importante que celle de l’UE et de la Grande-Bretagne réunies. C’est en partie le résultat des politiques d’austérité de l’UE après le krach de 2008 mais cela a été considérablement accéléré par le découplage de la Russie exigé par les États-Unis. L’année et demie qui vient de s’écouler fut marquée par un processus de « cannibalisation économique intra-occidentale », selon l’expression de l’écrivain Thomas Fazi. (3)
La guerre a également permis d’accomplir ce que les présidents précédents n’ont pas réussi à faire : forcer l’Europe à apporter une plus grande contribution à l’OTAN – rappelez-vous que Trump a qualifié les puissances européennes de « mauvais payeurs » parce qu’elles s’appuient sur la « protection » américaine ? (4) Les gouvernements européens ont tous succombé et ont utilisé la prétendue menace russe pour justifier auprès de leurs populations le détournement de l’argent des salaires et de l’aide sociale vers l’armement.
Le chancelier Scholz a annoncé 100 milliards d’euros pour le réarmement afin de faire de l’Allemagne « le garant de la sécurité européenne », c’est-à-dire remplacer la France en tant que première puissance militaire continentale au sein de l’OTAN.
La France, principal rival de l’Allemagne, a entre-temps annoncé sa propre augmentation de ses dépenses d’armement, la plus importante depuis 50 ans, atteignant 413 milliards d’euros d’ici 2030, ce qui éclipse le budget d’armement de l’Allemagne. (5) Cela montre clairement que la France n’acceptera pas la supériorité militaire allemande.
La Pologne utilise également la guerre pour s’affirmer, doublant ses dépenses de défense pour créer la plus grande armée terrestre d’Europe.
En opposant la « nouvelle » Europe de l’Est à la « vieille » Allemagne et la France, et en attisant la rivalité franco-allemande, on renforce la domination des EU. Toute idée d’une force militaire européenne agissant comme un contrepoids autonome aux États-Unis – qui était l’ambition de longue date de la France depuis De Gaulle – a été anéantie par « la subordination du projet européen aux objectifs de l’OTAN ».
Et pourtant, malgré ces succès incontestables, la contre-offensive ukrainienne tant vantée, menée avec les armes et les conseils occidentaux, a échoué. La Crimée reste russe, laissant la marine russe de la mer Noire en mesure de protéger les flancs sud de la Russie. Et les sanctions occidentales n’ont pas réussi à écraser l’économie russe.
Pourtant, les États-Unis ont sans doute des raisons d’être satisfaits de ce qu’ils ont accompli jusqu’à présent. Après tout, la Russie est entravée et l’Europe se conforme et contribue au renforcement de l’OTAN. Ce sont les conditions nécessaires pour qu’un conflit plus important éclate, contre la Chine, selon le général Fabio Mini, ancien chef du commandement de l’OTAN pour l’Europe du Sud. (7)
Guerre contre la Chine
À un moment donné, les États-Unis devront mener une guerre contre la Chine s’ils veulent rester au pouvoir. Elbridge Colby, qui était secrétaire adjoint à la Défense de Trump, l’exprime ainsi : « Les États-Unis doivent... rester l’État le plus puissant à tous égards, partout. La force physique, en particulier la capacité de tuer, est la forme ultime de levier coercitif... La Chine est une menace parce qu’elle est sur une trajectoire où les États-Unis ne constituent peut-être pas une menace pour elle. Les États-Unis devraient conserver la capacité de tuer la Chine... ».
La leçon du général grec Thucydide tirée de la guerre du Péloponnèse est qu’une grande puissance confrontée à un rival émergent doit frapper en premier si elle peut gagner avec un certain degré de certitude. La Chine est encore un pays en développement, d’où les appels croissants aux États-Unis à frapper le plus tôt possible, tant qu’il y a une chance. Un général de l’US Air Force a récemment prédit que la guerre éclaterait d’ici deux ans. (9)
Pourtant, apparemment, les simulations et "war-games" du Pentagone suggèrent qu’il n'est pas possible de gagner contre la Chine. Ainsi, au place d’une attaque immédiate, les États-Unis augmentent la pression sur la Chine afin de l’affaiblir d’abord, selon le correspondant de guerre Elijah Magnier. Sur le plan économique, cela oblige la Chine à se lancer dans une course aux armements afin de réduire les investissements nationaux – la stratégie qui a contribué à vaincre l’URSS – tandis que les sanctions économiques visent également à entraver la modernisation de la Chine et à abaisser le niveau de vie. Pendant ce temps, il attise les revendications sécessionnistes des Ouïghours, de Hong Kong et de Taiwan, afin de déstabiliser la Chine à l’intérieur. Sur le plan extérieur, elle est en train de forger une alliance asiatique prête au combat pour encercler la Chine et a déplacé l’essentiel de sa propre marine vers la région Asie-Pacifique.
Cette accumulation externe progresse rapidement. Le Japon, principal allié des États-Unis, double ses dépenses militaires pour devenir le troisième pays dépensier en armement après les États-Unis et la Chine. Pour le moment, c’est le neuvième. L’historienne Rana Mitter affirme que le Japon est en train de passer d’un « géant économique semi-désarmé, une sorte d’Allemagne asiatique » à un acteur armé majeur, prêt à affronter la Chine. (10) Le Japon a également, comme l’Allemagne, subi des pressions pour abandonner ses relations cordiales avec la Russie – Poutine s’était rendu au Japon en 2016 – pour condamner la Russie et envoyer des armes à l’Ukraine.
Pendant ce temps, la Corée du Sud, qui accueille déjà 30 000 soldats américains, y déploiera périodiquement des sous-marins nucléaires américains, et l’Australie achète trois sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre de l’alliance AUKUS avec les États-Unis et le Royaume-Uni, devenant ainsi un acteur nucléaire de facto et se soumettant au contrôle militaire américain à un degré sans précédent.
Ensuite il y a Taïwan, dont les États-Unis arment et entraînent l’armée pour créer une base solide à partir de laquelle attaquer le continent. Les provocations de plus en plus effrontées des marines américaine et britannique dans le détroit de Taiwan visent à montrer avec quelle facilité elles pourraient étouffer les importations et les exportations de la Chine, y compris ses approvisionnements vitaux en carburant, dont la plupart passent par les détroits étroits.
Les États-Unis visent à empêcher la réunification chinoise, non seulement pour conserver Taiwan mais aussi pour garder le contrôle de leurs alliés régionaux, en particulier la Corée du Sud, le Japon et les Philippines. S’ils perdent Taïwan, ces puissances perdront confiance dans la « protection » américaine et affirmeront leur autonomie. (11) La perte de ses États vassaux asiatiques signifierait l’éclipse de la puissance américaine en Extrême-Orient, et avec elle une éclipse plus générale. Il fera donc la guerre pour empêcher cela.
Obstacles à l'effort de guerre
La Chine et la Russie – dont l’amitié de longue date s’est rapidement transformée en un « partenariat sans limites » en réponse aux sanctions et à l’agression américaines – représentent le principal rempart contre la capacité de l’Amérique à mener une guerre mondiale, malgré la préoccupation actuelle de la Russie concernant l’Ukraine. Tous deux défendent un ordre mondial stable, sous les auspices de l’ONU, et ont récemment accru leur coopération militaire mutuelle. Tous deux sont dotés de l’arme nucléaire.
En Asie, une autre contrainte à la campagne de guerre des États-Unis est la réticence de la plupart des pays à sacrifier leurs propres intérêts nationaux pour s’adapter à la stratégie américaine. Un État hésitant comme l’Inde, sur lequel les États-Unis continuent de faire pression, s’est abstenu sur diverses résolutions de l’ONU condamnant la Russie, a décuplé ses importations de pétrole brut russe au cours des 18 derniers mois et a continué à acheter des armes russes.
De même, la plupart des pays de l’ASEAN, comme la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam, refusent d’imposer des sanctions à la Russie ou de choisir entre la Chine et les États-Unis. Même la Corée du Sud n’est pas aussi conforme que les États-Unis le souhaiteraient. L’année dernière, le président Yoon est revenu sur sa décision de déployer davantage de systèmes antimissiles américains THAAD dirigés vers la Chine, de peur de s’aliéner le plus grand partenaire commercial de la Corée. Et même si la Corée se rapproche du Quad – le groupement militaire composé des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie – elle ne le rejoint pas. Et les tentatives américaines visant à rapprocher la Corée du Sud du Japon dans le cadre d’une alliance militaire anti-chinoise ont échoué face au refus catégorique du peuple coréen de pardonner les atrocités de la domination coloniale japonaise.
Obstacles à l'effort de guerre
La Chine et la Russie – dont l’amitié de longue date s’est rapidement transformée en un « partenariat sans limites » en réponse aux sanctions et à l’agression américaines – représentent le principal rempart contre la capacité de l’Amérique à mener une guerre mondiale, malgré la préoccupation actuelle de la Russie concernant l’Ukraine. Tous deux défendent un ordre mondial stable, sous les auspices de l’ONU, et ont récemment accru leur coopération militaire mutuelle. Tous deux sont dotés de l’arme nucléaire.
En Asie, une autre contrainte à la campagne de guerre des États-Unis est la réticence de la plupart des pays à sacrifier leurs propres intérêts nationaux pour s’adapter à la stratégie américaine. Un État hésitant comme l’Inde, sur lequel les États-Unis continuent de faire pression, s’est abstenu sur diverses résolutions de l’ONU condamnant la Russie, a décuplé ses importations de pétrole brut russe au cours des 18 derniers mois et a continué à acheter des armes russes.
De même, la plupart des pays de l’ASEAN, comme la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam, refusent d’imposer des sanctions à la Russie ou de choisir entre la Chine et les États-Unis. Même la Corée du Sud n’est pas aussi conforme que les États-Unis le souhaiteraient. L’année dernière, le président Yoon est revenu sur sa décision de déployer davantage de systèmes antimissiles américains THAAD dirigés vers la Chine, de peur de s’aliéner le plus grand partenaire commercial de la Corée. Et même si la Corée se rapproche du Quad – le groupement militaire composé des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie – elle ne le rejoint pas. Et les tentatives américaines visant à rapprocher la Corée du Sud du Japon dans le cadre d’une alliance militaire anti-chinoise ont échoué face au refus catégorique du peuple coréen de pardonner les atrocités de la domination coloniale japonaise.
Au Japon également, où « le pacifisme est une idée fixe », selon un récent reportage de la BBC News (12), environ la moitié de la population reste fermement opposée à une modification de sa constitution « pacifiste ». Et à Taiwan, l’actuel gouvernement pro-occidental et anti-continental se heurte à une forte opposition de la part du parti Kuomintang et de ses alliés, qui ont une attitude plus coopérative envers Pékin.
Ailleurs dans le monde, en Afrique, la résistance à une guerre constante a produit une crise pour le régime néocolonial français au Niger, au Mali, au Burkina Faso et ailleurs. Au Moyen-Orient, les régimes conservateurs pro-occidentaux se sont rapidement éloignés des États-Unis et d’Israël alors que les massacres se poursuivent à Gaza.
Pas seulement au Moyen-Orient mais partout ailleurs, les classes dirigeantes des pays de la majorité mondiale, se méfiant du bellicisme américain et des sanctions qui leur nuisent sur le plan intérieur et stratégique, s’éloignent de l’étreinte occidentale pour se tourner vers une politique étrangère multilatérale.
En Europe, les expressions anti-guerre se multiplient, souvent de manière détournée : le scepticisme allemand à l’égard de la guerre a vu la montée de l’extrême droite AfD, et au moins 55 % de tous les Allemands sont désormais favorables aux pourparlers de paix ; Le nouveau président slovaque anti-guerre, Fico, a cessé d’armer l’Ukraine ; La Hongrie refuse de se joindre au chœur anti-russe ; Le soutien polonais à l’Ukraine a été affaibli après les protestations des agriculteurs contre les céréales ukrainiennes bon marché.
Aux États-Unis, les sondages d’opinion montrent que 55 % des Américains sont contre un financement supplémentaire de l’Ukraine, et cela devient un enjeu électoral alors que les Bidenomics ne parviennent pas à enrayer la baisse catastrophique du niveau de vie. Et des fissures s’ouvrent également au sein de la classe dirigeante américaine. Des personnalités importantes de l’establishment craignent que la guerre en Ukraine et les sanctions se retournent contre elle. Robert Gates, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense sous Bush et Obama, prévient que la Russie et la Chine dépassent les États-Unis dans le développement de relations étroites avec l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient. (13)
Fiona Hill, conseillère de Bush, Obama et Trump, estime que la guerre est devenue « un proxy pour une rébellion de la Russie et du reste contre les États-Unis ». Elle dit que cela marque la fin de la Pax Americana et que les sanctions punitives et les guerres illégales passées ont provoqué ressentiment et peur. (14)
Pendant ce temps, les républicains de MAGA soutiennent que plutôt que de combattre la Russie, les États-Unis devraient se concentrer uniquement sur la Chine. Il ne s’agit pas d’une classe dirigeante unie – comme nous l’avons vu récemment avec la lettre mutine des diplomates du Département d’État, qui craignent que les intérêts américains soient menacés par leur complicité dans les crimes de guerre israéliens.
En Angleterre, où la population britannique a été intimidée pour se ranger du côté de l’establishment sur l’Ukraine, elle est moins susceptible d’accepter les assauts médiatiques et politiques lorsqu’il s’agit d’Israël. Les grandes manifestations pour une Palestine libre deviennent ainsi objectivement des mobilisations pour la paix et contre la guerre. Plus Israël massacre de personnes, plus le fossé grandissant entre dirigeants et gouvernés est révélé partout dans le monde.
Néanmoins, la campagne américaine vers la guerre mondiale a déjà un élan considérable, et tout désaccord avec l’establishment américain ne porte pas sur la paix mais uniquement sur les meilleures méthodes pour perpétuer la suprématie américaine. Depuis plusieurs années, une propagande virulente attise l’opinion publique américaine et occidentale contre la Chine, tout comme les mensonges d’Hillary Clinton sur le Russiagate préparent le terrain idéologiquement pour la guerre en Ukraine. Biden a appelé à une transition vers une production de guerre aux États-Unis, dont il qualifie le complexe militaro-industriel « d’arsenal de la démocratie ».
Ailleurs dans le monde, en Afrique, la résistance à une guerre constante a produit une crise pour le régime néocolonial français au Niger, au Mali, au Burkina Faso et ailleurs. Au Moyen-Orient, les régimes conservateurs pro-occidentaux se sont rapidement éloignés des États-Unis et d’Israël alors que les massacres se poursuivent à Gaza.
Pas seulement au Moyen-Orient mais partout ailleurs, les classes dirigeantes des pays de la majorité mondiale, se méfiant du bellicisme américain et des sanctions qui leur nuisent sur le plan intérieur et stratégique, s’éloignent de l’étreinte occidentale pour se tourner vers une politique étrangère multilatérale.
En Europe, les expressions anti-guerre se multiplient, souvent de manière détournée : le scepticisme allemand à l’égard de la guerre a vu la montée de l’extrême droite AfD, et au moins 55 % de tous les Allemands sont désormais favorables aux pourparlers de paix ; Le nouveau président slovaque anti-guerre, Fico, a cessé d’armer l’Ukraine ; La Hongrie refuse de se joindre au chœur anti-russe ; Le soutien polonais à l’Ukraine a été affaibli après les protestations des agriculteurs contre les céréales ukrainiennes bon marché.
Aux États-Unis, les sondages d’opinion montrent que 55 % des Américains sont contre un financement supplémentaire de l’Ukraine, et cela devient un enjeu électoral alors que les Bidenomics ne parviennent pas à enrayer la baisse catastrophique du niveau de vie. Et des fissures s’ouvrent également au sein de la classe dirigeante américaine. Des personnalités importantes de l’establishment craignent que la guerre en Ukraine et les sanctions se retournent contre elle. Robert Gates, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense sous Bush et Obama, prévient que la Russie et la Chine dépassent les États-Unis dans le développement de relations étroites avec l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient. (13)
Fiona Hill, conseillère de Bush, Obama et Trump, estime que la guerre est devenue « un proxy pour une rébellion de la Russie et du reste contre les États-Unis ». Elle dit que cela marque la fin de la Pax Americana et que les sanctions punitives et les guerres illégales passées ont provoqué ressentiment et peur. (14)
Pendant ce temps, les républicains de MAGA soutiennent que plutôt que de combattre la Russie, les États-Unis devraient se concentrer uniquement sur la Chine. Il ne s’agit pas d’une classe dirigeante unie – comme nous l’avons vu récemment avec la lettre mutine des diplomates du Département d’État, qui craignent que les intérêts américains soient menacés par leur complicité dans les crimes de guerre israéliens.
En Angleterre, où la population britannique a été intimidée pour se ranger du côté de l’establishment sur l’Ukraine, elle est moins susceptible d’accepter les assauts médiatiques et politiques lorsqu’il s’agit d’Israël. Les grandes manifestations pour une Palestine libre deviennent ainsi objectivement des mobilisations pour la paix et contre la guerre. Plus Israël massacre de personnes, plus le fossé grandissant entre dirigeants et gouvernés est révélé partout dans le monde.
Néanmoins, la campagne américaine vers la guerre mondiale a déjà un élan considérable, et tout désaccord avec l’establishment américain ne porte pas sur la paix mais uniquement sur les meilleures méthodes pour perpétuer la suprématie américaine. Depuis plusieurs années, une propagande virulente attise l’opinion publique américaine et occidentale contre la Chine, tout comme les mensonges d’Hillary Clinton sur le Russiagate préparent le terrain idéologiquement pour la guerre en Ukraine. Biden a appelé à une transition vers une production de guerre aux États-Unis, dont il qualifie le complexe militaro-industriel « d’arsenal de la démocratie ».
Une commission bipartite du Congrès a conclu il y a un mois que les États-Unis devaient se préparer à des guerres simultanées contre la Russie et la Chine. La mobilisation rapide de la marine américaine au Moyen-Orient et les bombardements américains de cibles syriennes montrent que les États-Unis ne permettront jamais que leur position dominante mondiale soit menacée. Sa guerre contre le terrorisme a tué quatre millions et demi de personnes et créé 38 millions de réfugiés. Elle provoquera bien pire s’il elle l'estime utile, et on ne peut pas lui faire confiance pour agir de manière rationnelle, même dans son propre intérêt. Seule une pression populaire massive, surtout de la part de la classe ouvrière organisée, pourra l’arrêter.
Et pourtant, nos mouvements syndicaux et pacifistes ont été extrêmement faibles sur les questions de guerre et de paix, comme nous l’avons vu au congrès du TUC où une terrible motion en faveur d’une augmentation des dépenses en armement a été adoptée. Nous devons continuer à faire valoir que la guerre en Ukraine était, dès le départ, une provocation délibérée de la part de l’OTAN, que la Russie a agi en état de légitime défense dans le but de maintenir la neutralité de l’Ukraine et que ce sont les puissances occidentales belligérantes, en particulier les États-Unis, qui en sont responsables, et la Grande-Bretagne, qui représentent un réel danger pour la paix mondiale.
Et pourtant, nos mouvements syndicaux et pacifistes ont été extrêmement faibles sur les questions de guerre et de paix, comme nous l’avons vu au congrès du TUC où une terrible motion en faveur d’une augmentation des dépenses en armement a été adoptée. Nous devons continuer à faire valoir que la guerre en Ukraine était, dès le départ, une provocation délibérée de la part de l’OTAN, que la Russie a agi en état de légitime défense dans le but de maintenir la neutralité de l’Ukraine et que ce sont les puissances occidentales belligérantes, en particulier les États-Unis, qui en sont responsables, et la Grande-Bretagne, qui représentent un réel danger pour la paix mondiale.
L’escalade actuelle au Moyen-Orient ne pourra que rendre cela plus évident.
Notes :
1 https://www.washingtonpost.com/.../ukraine-war-west-gloom/
2 (Substack, 26 septembre 2023, https://seymourhersh.substack.com/.../a-year-of-lying...)
3 (9 août 2023, X, https://threadreaderapp.com/thread/1689220284375851008.html).
4 https://www.economist.com/.../europe-is-struggling-to...
5 https://aviationweek.com/.../french-defense-budget-rise-2024.
6 Naked Capitalism, 18 septembre 2023, https://www.nakedcapitalism.com/.../18-months-too-late...).
7 (Le Grand Soir 24 sept 2023, https://www.legrandsoir.info/general-fabio-mini-l-ukraine...).
8 https://en.rattibha.com/thread/1515197978482409476
9 https://nilepost.co.ug/.../gen-advises-us-to-avoid-open.../
10 https://www.spectator.co.uk/.../japans-plans-for-an.../
11 https://csbaonline.
Notes :
1 https://www.washingtonpost.com/.../ukraine-war-west-gloom/
2 (Substack, 26 septembre 2023, https://seymourhersh.substack.com/.../a-year-of-lying...)
3 (9 août 2023, X, https://threadreaderapp.com/thread/1689220284375851008.html).
4 https://www.economist.com/.../europe-is-struggling-to...
5 https://aviationweek.com/.../french-defense-budget-rise-2024.
6 Naked Capitalism, 18 septembre 2023, https://www.nakedcapitalism.com/.../18-months-too-late...).
7 (Le Grand Soir 24 sept 2023, https://www.legrandsoir.info/general-fabio-mini-l-ukraine...).
8 https://en.rattibha.com/thread/1515197978482409476
9 https://nilepost.co.ug/.../gen-advises-us-to-avoid-open.../
10 https://www.spectator.co.uk/.../japans-plans-for-an.../
11 https://csbaonline.
Publication originale : The Socialist Correspondent
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Cet
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