21 septembre, journée de la paix?


 

 

Par Gabrielle Lefèvre (Journaliste, gauche, Belgique)

Publié le 15 septembre 2023 par Entre les Lignes

Non-violence et cessez-le-feu : qu’espérer du 21 septembre ?

24 h de non-violence et de cessez-le feu… Le 21 septembre, journée internationale de la Paix instituée en 1981 par les Nations Unies a été rebaptisée en « période de non-violence et de cessez-le-feu ». (1) La paix est-elle devenue un idéal inatteignable ? En cette année 2023, qui va observer une trève de 24 H ? Qui fera taire les armes en Ukraine, en Russie ? Qui arrêtera l’escalade des armements et des opérations guerrières entre les Etats-Unis, la Chine, Taiwan, la Corée du Nord, Israël, le Maroc, l’Arabie Saoudite, le Yemen, l’Iran, l’Afghanistan et autres pays en guerre d’une manière ou d’une autre ?

Sauver la planète

Pourtant, clame le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guteres : « La paix est nécessaire aujourd’hui plus que jamais. La guerre et les conflits provoquent la dévastation, la pauvreté et la faim et chassent des dizaines de millions de personnes de leur foyer. Le chaos climatique est omniprésent. Et même les pays pacifiques sont en proie à des inégalités criantes et à une polarisation politique. »

Or, en cette année 2023, nous sommes arrivés à mi-parcours de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). D’ailleurs, la célébration de la Journée internationale de la paix coïncide avec le Sommet sur les objectifs de développement durable (18 et 19 septembre). (2)

De plus, l’année 2023 marque également le 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. (3)

Les va-t-en guerre

Mais que constate-t’on ? Les braises de la guerre sont constamment attisées en Europe par les Etats-Unis, l’OTAN et la Commision européenne. Aucun effort de négociation, de pourparlers, de cessez-le-feu n’a été entrepris avec la Russie. L’Ukraine, victime consentante d’une politique internationale où elle n’est qu’un pion à sacrifier, s’enfonce dans une guerre meurtrière pour les civils.

« Refusez la guerre qu’on veut nous imposer », suppliait John Pilger, journaliste et cinéaste australo-britannique basé à Londres. En mai, nous avions publié son analyse et ses accusations.

Dans le monde entier, nombre de spécialistes en analyse géopolitique, de politiques expérimentés, d’experts divers, de pacifistes, de philosophes en appellent à la raison et dénoncent les grands gagnants de cette guerre absurde : les marchands d’armes, les producteurs d’énergie fossile et leurs protecteurs politiques. Lisez à ce sujet la remarquable analyse de Maïté Bol, du GRIP, intitulée : « Le « greenwashing » des producteurs d’armes : principes et faux-semblants ». Où l’on découvre les allégations des entreprises décrivant un arsenal militaire « vert », des munitions « vertes », des missiles et navires de combat « écologiques » !

Nous sommes bien dans la subversion des concepts, autrement dit, dans un enfumage ridicule tellement il est grossier. (4)

Depuis toujours, nous savons que la guerre est sale, meurtrière, polluante pour des décennies et, depuis les bombes nucléaires lancées par les Etatsuniens sur Hiroshima et Nagasaki, fatales pour l’humanité entière. Or, les détenteurs de ces armes nucléaires, petits pays ou grandes puissances, échappent à tout contrôle et font peser une menace mortelle sur l’humanité.

Non aux armes nucléaires

Ce 21 septembre est donc aussi le jour du « non aux armes nucléaires » qui seraient 12500 dans le monde. Or, ces armes nucléaires sont illégales en vertu du droit international depuis plus de deux ans maintenant - le TIAN est entré en vigueur le 22 janvier 2021. Or, des milliards de dollars sont dépensés pour le renouvellement et l’expansion des arsenaux nucléaires. En 2021, les neuf États dotés d’armes nucléaires du monde ont dépensé un montant record de 82,9 milliards de dollars pour leur entretien et leur modernisation.

Même notre petit pays, la Belgique, est piégé dans ce jeu mortifère car il abrite le siège de l’OTAN: environ 20 bombes nucléaires seront mises à jour dans les années à venir dans le cadre du programme de modernisation de l’arsenal nucléaire américain. Les bombes nucléaires B61 actuelles sont remplacées par des bombes B61-12 plus agiles et déployables, sans qu’aucun débat parlementaire ou public ne leur soit consacré dans notre pays. 20 bombes peuvent anihiler une grande partie de la planète...

Appel est donc lancé aux villes et communes belges pour qu’elles arborent un drapeau de la paix pendant la semaine du 21 septembre, signe qu’elles veulent jouer un rôle actif dans l’action internationale de désarmement nucléaire. (5)

« L’heure a sonné »

Nous devrions plutôt parler de désarmement tout court, seul moyen d’empêcher les guerres qui ravagent notre humanité et notre planète. C’était la conviction de notre Prix Nobel de la Paix 1913, Henri La Fontaine, inlassable apôtre de l’entente entre les peuples, entre les nations en vue de créer une gouvernance mondiale pour le bien de l’humanité.

« L’heure a sonné » est la nouvelle parution de la Fondation Henri La Fontaine et du Mundaneum, exhumant des archives d’une actualité saisissante. Il y dépeint les horreurs des guerres, leur absurdité, les défis immenses à relever en terme de développement, d’échange des savoirs. Il décrit le monde idéal qui nous ferait arriver au bonheur pour tous : « Après ce que j’ai essayé d’établir sur la ressemblance physique et mentale de tous les hommes qui peuplent la terre, sur la nature de leurs besoins pareils et la similitude grandissante de leur manière de vivre, n’est-il pas apparent qu’il faut considérer le globe terrestre comme le territoire unique de ce qu’il faut dénommer désormais la Cité Mondiale, comme la patrie universelle dont toutes les patries doivent devenir, et le sont déjà, les provinces. Il faut que les citoyens de ces patries diverses comprennent qu’ils sont désormais des citoyens du monde et possèdent comme tels, dans la gestion de la vaste collectivité ainsi constituée, un droit électif et de contrôle comme celui que les hommes possèdent au sein des moindres communes dans les pays démocratiques. » Il en appelle à l création d’un « service obligatoire de vie » en lieu et place du « service obligatoire de mort » qu’est le service militaire, cette « infamie qui oblige tous les hommes valides à devenir des assassins. »

Ce texte date de mai 1940. Il n’a jamais été prononcé. L’enfer venait de débuter sur terre.

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(1)https://www.pressenza.com/fr/2023/09/journee-internationale-de-la-paix-24-heures-de-non-violence-et-de-cessez-le-feu-objectifsmondiaux/

(2)Partagez votre opinion en utilisant les ressources de la campagne « Action en faveur de la paix : nos ambitions pour les #ObjectifsMondiaux ».

(3) La commémoration des 75 ans de la DUDH et des dix ans du décès de Stéphane Hessel aura lieu le 20 octobre 2023 au Palais des Académies à Bruxelles, de 17 h à 21 h. Bloquez déjà la date.

(4)https://www.grip.org/le-greenwashing-des-producteurs-darmes-principes-et-faux-semblants/

(5)https://www.dagvandevrede.be/

(6)« L’heure a sonné ». Regards contemporains sur les écrits pacifistes d’Henri La Fontaine (1854 – 1943). Prix Nobel de la Paix 1913. Avec les contributions de Carl Bouchard, Monique Chemillier-Gendreau, Ahmet Insel, Michel Marbeau, Pierre Van den Dungen, Jacob Zollmann. Edition publiée sous la direction de Jacques Gillen et Daniel Sotiaux. Coédition de la Fondation Henri La Fontaine et du Mundaneum. Mons. 2023. 18 €.

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Publication originale : Entre les Lignes - Zooms Curieux